
Personne ne se baigne deux fois dans la même rivière.
Ce deuxième procès n’était pas le même, même si la posture de l’accusé, elle n’a pas changé.
L’AfVT défend des victimes, mais elle veut aussi comprendre l’anatomie d’un acte de terrorisme ou d’un projet terroriste.
L’AfVT, c’est notamment Georges, qui a coécrit un livre avec le père d’un terroriste lui qui a perdu sa fille le 13 novembre 2015.
L’AfVT voit les procès de terrorisme comme une construction de l’avenir, de l’avenir pour les victimes comme pour les auteurs.
Il y a un après pour les auteurs et quelle que soit la gravité de leurs actes, leur récit individuel doit reprendre pour leur permettre un retour à la société qu’au fond ils n’ont jamais quittée. La justice ne dénie jamais aux accusés cette place dans la société qu’il s’agit de reprendre.
Donc, nous essayons tous ici de comprendre et pour comprendre il faut une parole. Faire des ponts, moi, je pense plutôt que c’est du funambulisme, que c’est un fil tendu entre les parties civiles et l’accusé et parfois le fil tient, parfois il ne tient pas ou encore on tombe.
Nous sommes souvent tombés en même temps que les paroles prononcées par l’accusé tombaient au sol. Pas d’envolées, pas de lyrisme, pas de surprise.
Nous voulons savoir ce que l’accusé est en train de devenir. Nous n’en savons rien.
Là, cette parole était tellement refermée sur elle-même. C’est un système bizarre où rien n’est important acheter un kilo de poudre noire c’est équivalent à l’achat d’une baguette. Ce n’est pas qu’il y ait une opération de minimisation ou de banalisation, c’est que l’acte est vécu ici comme banal. La banalité même.
Débats houleux, mais épuisants souvent écrasés par la vacuité des explications. Pauvreté de langage, absence de sincérité, voulions-nous penser, ou peut-être que si. Il dit qu’il est sincère, il me répond que je ne suis jamais contente de ses réponses. Comme s’il s’agissait de faire plaisir. J’étais radicalisé, j’ai changé des phrases toutes simples des mots lisses et opaques et aucune explication.
On pense qu’il minimise, mais je finis par penser qu’il est sincère. Peut-être qu’il exprime les choses exactement comme il les ressent, ni plus, ni moins.
Mais alors c’est encore pire, on préférerait la dissimulation.
Vertige du vide, du vide de la pensée. Farcie de clichés, assemblage improbable, dispersion des identités idéologiques.
Aucune projection dans le monde réel autre que des idées de meurtres la compulsion d’achats d’armes la transgression permanente, la surenchère. Deux arrestations des violations répétées au contrôle judiciaire un rapport défaillant à l’autorité.
La force, le virilisme comme seul idéal et comme seule la compulsion monomaniaque tantôt les armes, tantôt les explosifs. Pas de vie affective repérable, pas d’ambition professionnelle, CAP vente, mais jamais vendeur, traducteur, agent de sécurité plombier dépanneur quelque chose flotte dans l’univers de l’accusé.
Ce groupe dans lequel il prend le lead est composé d’individus qui vont fonctionner en complémentarité le corpus doctrinaire c’est Confucius, et le reste c’est lui (Pelletier) c’étaient des idées. Mais pourquoi embringuer systématiquement des plus jeunes plus fragiles. Un des accusés est venu, il n’était pas canalisé, et même pas stable du tout. Il a donné dans ce moment de prise de parole toute la place à la violence, telle qu’elle s’exprime à côté des mots forcément. Ce qu’il en a dit lui échappe, comme ses gestes saccadés, ses mouvements de tête, ses balancements qui ont inquiété jusqu’à l’avocat général. Ce qui lui échappe quand on le questionne sur son goût des ratonades : il dit qu’il aime la bagarre, il dit que c’est parce qu’un être humain c’est organique c’est-à-dire que ça réagit. Ce que dévoile un des accusés dans sa déposition c’est à peu près tout ce que l’accusé veut nous cacher. L’instabilité mentale l’impulsivité le côté incontrôlable inhérent à la violence la vraie. C’est une pulsion. C’est un débordement.
L’accusé évacue délibérément la charge émotionnelle attachée à la violence celle qui la commande et la détermine. Mais il admet qu’il est dans une compulsion d’achats d’armes et d’explosifs qu’il ne le contrôle pas exactement comme un des accusés ne contrôle pas son corps à la barre et cette perte de contrôle elle nous fait pressentir cette possibilité de basculement dans la violence pas forcément terroriste une violence ordinaire.
Un des accusés nous donne une clé.
Blanc, arabe, ou noir aucune différence »
Ce qui lui plaît c’est l’être humain « organique » vivant qui souffre.
(Sade disait que les cris de douleur ne mentent pas )
Peut-être que c’est ça aussi, la vérité que recherche l’accusé.
La vérité organique celle qu’il ne trouve pas en lui-même.
L’accusé ne franchit rien, ne dépasse pas ses échecs. Il nourrit une rancœur, il ne relativise rien de ses compulsions et de sa haine, parce qu’il ne sait pas traverser l’échec, l’incertitude. Il n’a pas fait le deuil de sa propre perfection.
Le peu de cas qu’il semble faire de la cour, jusqu’au dernier interrogatoire, en dit long sur son rapport au réel et au monde. Il ne considère pas ses interlocuteurs il pense qu’il peut mentir et déformer les faits.
La violence est une pulsion antécédente et le vernis idéologique, l’ancrage comme on dit ce serait là où la violence peut prendre racine.
La place de la violence et ses liens avec l’idéologie, qu’elle soit djihadiste ou d’ultradroite, sont toujours interrogés dans les procès terroristes. L’accusé a cru, à la faveur du vote RN, qu’il pouvait réduire son adhésion au national-socialisme en la réduisant à des idées d’extrême droite.
Ce n’est pas le débat. Le débat est de savoir si les actes relevés, participation à des entraînements de tirs, achats d’explosifs et de munitions, rédaction d’un manifeste et recherche active de cibles sont des actes préparatoires qui peuvent être qualifiés de participation à une association de malfaiteurs terroriste. L’accusé a liminairement reconnu les faits.
La jurisprudence n’exige pas la connaissance d’un projet en particulier, mais la simple conscience d’appartenir à une entreprise à but terroriste.
L’escalade, l’enchaînement crescendo des actes préparatoires ne laisse aucune place au doute quant à l’inspiration de ce groupe.
On a vécu enfermé dans le discours de l’accusé, avec ses mots pauvres, sa lâcheté.
En réalité, on est dérouté.
Je ne comprends pas cette idéologie.
On nous explique le lien entre le multiculturalisme et l’antisémitisme, le complot juif l’état profond complotiste à la prim.
Mais quel rapport avec la gare de Sevran.
Dans le monde de l’accusé, rien ni personne ne peut échapper à sa haine.
Il y a je pense, surtout ce qu’a admis l’accusé : une addiction, une compulsion.
L’adrénaline, vous l’avez sentie, l’excitation libidinale, la jouissance.
Le discours, je me dis, c’est une euphémisation, et c’est tactique. Mais pas que.
Il y a de la sincérité chez lui quand il admet que oui il peut décider de transgresser et que l’addiction c’est plus fort que lui.
Imaginer que l’accusé dit les choses comme il les ressent.
On dit amputé du langage, mais le psychiatre ne dit pas qu’il est un accidenté du langage c’est quelqu’un comme vous et moi. Avec un trait peut-être tout ça n’est pas très grave les transgressions, à répétition ne sont pas graves : c’est la banalisation.
D’ailleurs, pour un amputé du langage il sait être loquace et il écrit. Ce n’est pas n’importe quel écrit ce sont des manifestes, ce terme qu’il n’a pas désavoué de toute l’audience.
Ce qui lui laisse échapper une manière d’impuissance c’est l’addiction aux armes.
L’idéologie n’est-elle pas secondaire dans ce dossier.
Installée, ancrée la violence et le goût de la domination viennent avant l’idéologie qui est utilisée comme le ressort pour la levée des inhibitions.
Les lettres écrites en prison vont vous confirmer son ancrage dans la haine la passion de la haine.
IDENTIFICATION
Pourquoi l’idéologie rend parfaitement compte de qui est l’accusé l’institutionnalisation de la mort, de la destruction, de la déshumanisation c’est le 3ème Reich. C’est cette idéologie qu’épouse parfaitement le goût de la violence et la haine que l’accusé entretenait compulsivement avec les armes et les uniformes.
C’est à partir de sa haine ou de son amour de la haine de sa violence ou de son addiction à la violence que tout part. Un agencement disparate d’inspiration et de sources d’identification, la violence fait feu de tout bois.
Copier-coller de Daech dans le manifeste.
Le passage à l’acte
Le passage à l’acte est déjà inscrit dans les pages de ce dossier. Ce qu’on réclame du passage à l’acte pour caractériser une association de malfaiteurs terroriste tous les jugements sont définitifs. Que propose-t-il ? Une erreur de qualification ? Non. Le retrait de sa participation matérielle aux actes préparatoires ? Non plus.
Sa stratégie vous fait de la dangerosité prédictive, rien n’indique la mise en acte des discours de haine, de la même haine.
Mais si Erwan Jacob est une mise en acte, et tellement efficace qu’il se soumet au test des photographies de son nez pour prouver qu’il n’est pas juif.
La violation du contrôle judiciaire, une autre mise en acte.
Citoyen clandestin d’OA.
Ne vote pas, sauf depuis les dernières élections.
Donc inutile d’aller chercher une élaboration politique.
La loi du talion.
Mimétisme / identification.
Ce qui l’ancre dans une idéologie ou une autre, sur un mode mimétique, c’est l’identification à la force, à la puissance, à la violence. Il s’identifie aux tueurs des terrasses, aux tueurs de masse, à n’importe quel tueur.
Rester sur leur discours, c’est accepter de différer l’analyse de la pulsion de l’acte.
L’idéologie c’est un combustible, peut-être que la violence fabrique ses fétiches, mais toujours à partir de sa propre pulsion.
Un des accusés nous avait fait rire en première instance, il avait lancé.
En général quand on est jeune les grandes idées c’est rarement du jardinage.