Retour sur le procès de l’attentat du centre commercial Westgate (Kenya)

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Sept ans après l’attaque du centre commercial Westgate de Nairobi (Kenya), le procès depuis l’attentat s’est terminé en octobre 2020. Les accusés étaient poursuivis pour avoir fourni de l’aide aux terroristes, morts durant l’attaque.

L’attentat du Westgate

Le samedi 21 septembre 2013 vers 12h, un commande du groupe islamiste somalien Al-Shabaab, affilié à Al Qaïda, attaque le centre commercial Westgate à Nairobi au Kenya. Les terroristes armés sillonnent les boutiques et les allées du centre commercial pour y tuer méthodiquement 67 personnes avec des armes automatiques et des grenades dans la foule pendant trois heures et demie.

Pendant deux jours, les forces de sécurité kényanes vont intervenir et tiendront le siège du centre commercial. Au moment de l’assaut, un tir de roquette va provoquer l’effondrement de l’arrière du bâtiment. Les assaillants seront alors ensevelis sous les décombres, ainsi que la quasi-totalité des preuves matérielles ce qui compliqua l’identification des terroristes.

Les victimes de l’attentat

L’attaque fait officiellement 67 morts, dont 61 commerçants et clients, et plus de 200 blessés.

Fréquenté par une clientèle locale et par de nombreux occidentaux, notamment des diplomates, le centre commercial Westgate connaissait une forte affluence le week-end.

Parmi les victimes de cette attaque, deux Françaises, Corinne et Anne DECHAUFFOUR, ont été abattues alors qu’elles se trouvaient au volant de leur voiture, au moment précis où les terroristes s’apprêtaient à pénétrer dans le centre commercial. Corinne et Anne DECHAUFFOUR, cette mère et sa fille sont décédées, alors que le père de famille a réussi à s’échapper. Corinne DECHAUFFOUR, artiste peintre, vivait à Meru à 300km au nord de la capitale kenyane. Son mari y dirigeait un complexe hôtelier de luxe. La famille était originaire de Nice. Leur fille, Anne, était venue rendre visite à ses parents.

Douze autres ressortissants français qui se trouvaient à l’intérieur du centre commercial durant l’attaque ont pu prendre la fuite.

Les auteurs de l’attentat

Les représentants du groupe armé islamiste somalien Al-Shabaab ont revendiqué l’attaque et ont déclaré que celle-ci était une réponse à une intervention militaire du Kenya en octobre 2011 contre Al-Shabaab en Somalie.

Al-Shabaab est un groupe terroriste islamiste somalien d’idéologie salafiste djihadiste crée en 2006 lors de l’invasion éthiopienne. En septembre 2013, on estimait que la mouvance comptait environ 5 000 combattants dans ses rangs.En lien avec Al Qaïda, cette organisation terroriste est responsable de nombreux attentats et enlèvements sur le continent africain depuis 2008.

Concernant le commando de l’attentat du Westgate, les autorités kényanes ont estimé qu’il était composé de quatre assaillants. Si les cadavres des terroristes n’ont jamais été identifiés, les enquêteurs sont parvenus à identifier trois des assaillants. Il s’agirait de deux Somaliens, Abu Baraal AL SUDANI et Khatab Ali KHANE, et un Kényen d’origine somalienne, Omar NABHAN.

Le procès des complices de l’attentat du Westgate

Après cinq années d’instruction ayant conduit notamment à l’audition de 150 témoins, le seul et unique procès dans cette affaire s’est tenu en septembre et octobre 2020.

Douze charges étaient retenues contre les trois accusés  soupçonnés d’avoir appuyé notamment la logistique des terroristes ayant mené cette attaque marathon et d’avoir été en communication avec eux tout au long des faits.Aucun des accusés n’était sur place durant l’opération.

Un quatrième suspect, Adan Mohamed Dheq Ibrahim, avait été acquitté en janvier 2019, par manque de preuves. Les trois autres accusés ont clamé leur innocence depuis leur première comparution devant les juges, en novembre 2013.

Deux accusés « étaient en communication constante avec les assaillants, comme l’a prouvé l’accusation » a estimé le juge et « bien qu’il n’y ait pas de preuve formelle qu’ils aient fourni un soutien matériel aux assaillants », le juge a considéré que leurs communications avec les assaillants ont fourni un soutien à leur entreprise terroriste. Ils étaient en possession de matériel en lien avec les terroristes : un ordinateur et un téléphone ayant permis de contacter les terroristes.

Le premier, Mohamed Ahmed Abdi, enseignait l’islam à Nairobi. Selon l’enquête, il a été en contact étroit avec l’un des terroristes. Ils se seraient notamment appelés 226 fois dans les trois mois précédents l’attentat. Un ordinateur avec des vidéos sur le maniement des armes et appelant au djihad avait été retrouvé sur lui. Il aurait également hébergé un des chababs. De plus, Mohamed Ahmed Abdi a toujours affirmé que le terroriste était son beau-frère, qu’il ne connaissait pas ses plans et que l’ordinateur ne lui appartenait pas.

Le second, Hussein Hassan Mustaffah est un réfugié somalien au Kenya qui vendait des vêtements. Lui aussi a échangé plusieurs dizaines d’appels avec un des assaillants de Westgate. Il a expliqué qu’il s’agissait d’un ami d’enfance et qu’ils parlaient surtout de football. Beaucoup de conversations aussi avec l’autre Somalien condamné, « pour parler affaires », dit-il.

Le 7 octobre 2020, la justice kenyane a déclaré coupables deux des trois accusés de « complot » en vue d’une action terroriste et de « soutien » au commando terroriste ayant fait officiellement 67 morts. Le magistrat Francis Andayi a estimé que Mohamed Ahmed Abdi et Hassan Hussein Mustafa avaient « conspiré » et apporté un soutien aux quatre membres du commando. Ils écopent de 18 années de prison chacun.

Le troisième accusé, Liban Abdullahi Omar, a été acquitté de tous les chefs d’accusation et immédiatement autorisé à quitter le box, pour manque de preuve du lien avec les terroristes. Lui aussi avait eu de nombreuses conversations avec un membre du commando, qui était son frère. Il quittera le tribunal libre après sept ans d’incarcération. Il a été enlevé peu de temps après. On ignore où il se trouve. Une enquête a été ordonnée.

Hommage aux victimes de l’attentat

Un mémorial a été ouvert au musée de Nairobi en septembre 2014 afin de rendre hommage aux victimes. Une exposition de deux mois, composée de photos, de témoignages vidéo et de dessins de presse, avait été mise en place pour perpétuer la mémoire des nombreuses victimes de l’attaque du Westgate. Le documentariste kenyan, Arjun Kohli[1], espérait alors que le mémorial ravive l’esprit d’unité qui a prévalu les jours suivant l’attaque ; le refaire « we are one », « nous sommes unis » avait été scandé dans le pays en soutien aux victimes de l’attentat. Interviewé sur son travail, Arjun Kohli observait la singulière unité des victimes de terrorisme, quelles qu’elles soient : « Je ne sais pas si catharsis est le mot juste, mais entendre tous ces gens raconter ce qui s’est passé permet d’entamer un processus de guérison. Ce qui est surprenant, c’est de s’apercevoir que les paroles sont les mêmes pour tout le monde, que vous soyez chrétien, hindou ou musulman, que vous soyez riche ou pauvre. Une humanité fondamentale émerge de tous ces récits. »

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Source image :

  • Image de l’exposition mémorielle au musée de Nairobi – Source image : L’express
  • Image hélicoptère – Source image : gettyimages
  • Image du mémorial niçois consacré à Corinne et Anne DUCHAUFFOUR, victimes françaises décédées dans l’attentat – Source images : Nice Matin

Sources :

[1] Arjun Kohli est un jeune documentariste qui a interviewé une vingtaine de personnes qui se trouvaient à l’intérieur ce jour-là. Il a monté cette exposition au musée national de Nairobi.

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