Nous nous souvenons de nos enfants juifs assassinés

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Dessin de Catherine Bertrand  – 21 novembre 2019

 

Ce samedi 4 novembre 2023, vers 20h, Samuel Sandler est invité sur BFMTV et répondait à des questions sur l’éducation. Il a dit qu’il ne témoignait dans les établissements scolaires que très rarement et que la mort d’enfants juifs n’intéressait personne.

L’excellente Sophia Aram dénonce à raison « la foire mondiale de l’antisémitisme » dans son billet de lundi dernier, 07 novembre 2023, qui se termine par la voix de notre ami : « l’assassinat d’enfants juifs, ça n’intéresse personne ».

 

 

En mémoire de Jonathan, Arié et Gabriel

Et pour Myriam, Samuel, Eva, Llora et Jenifer

Nous n’oublions pas Jonathan, Arié et Gabriel Sandler.

Chaque année scolaire, depuis 2019, Samuel Sandler apporte son témoignage avec l’AfVT dans le cadre du projet « Et si on écoutait les victimes ? Et si on écoutait les lycéens /les collégiens ? ». Il a ainsi participé à 8 actions éducatives. Il vient par exemple au collège du Bois d’Aulne depuis l’assassinat de Samuel Paty, il vient aussi dans des lycées généraux et professionnels, et les élèves l’écoutent avec attention et tous sont très touchés.

Voici trois exemples :

 

Leur trace dans nos mémoires, 9 mars 2020

 

Prendre la parole pour Samuel Sandler est toujours l’occasion de prononcer les prénoms de Jonathan – ce prénom qui ne s’affiche plus sur l’écran de son smartphone -, d’Arié et de Gabriel.

Enfant, il jouait avec des petits soldats de plomb. L’un d’eux appartenait à son petit cousin Jeannot, qui a été arrêté au Havre avec sa grand-mère en Mars 1943, envoyé à Drancy, déporté à Maidanek, sans doute mort avant d’arriver. Alors, enfant, il avait peur. Puis en grandissant, il s’est raisonné : on ne tuera plus d’enfants parce que de confession juive. Jonathan, Arié et Gabriel ont été assassinés devant l’école juive Ozar-Hatorah, « sur un trottoir de France », écrit-il dans son récit Souviens-toi de nos enfants.

Lire Leur trace est demeurée dans la mémoire des lycéens du lycée Montesquieu d’Herblay.

Dessin réalisé par un élève de Seconde du lycée Montesquieu à Herblay pour Samuel Sandler

 

 

Lettre d’Agathe, lycéenne de Terminale au Lycée Montalembert de Courbevoie, à Samuel Sandler – 12 mai 2021 

 

« J’aurais pu les croiser au détour d’une rue, dans un métro, en sortant de la boulangerie, sans vraiment remarquer leur existence. J’aurais pu passer devant eux et continuer mon chemin sans que ça n’ait rien changé à ma vie.

Mais inévitablement ça n’est pas possible, ça ne le sera jamais. On leur a volé leur vie, dans un éclat, sur une coïncidence. Ça aurait pu être presque n’importe qui, moi, mon petit frère…

Il aurait eu le même âge que Gabriel. Ils auraient pu se connaître, être amis, jouer aux jeux vidéo ensemble et je leur aurais dit de faire moins de bruits car leurs cris d’enfants m’auraient dérangée.

Mais ça n’arrivera jamais. Histoire d’un destin brisé.

Sartre dit que l’existence précède l’essence, autrement dit qu’on se définit non pas à la naissance mais après avoir vécu. Mais comment se définir quand il n’y a pas eu de temps d’existence, quand on n’a pas eu la liberté d’être car un jour en marchant dans la rue on a mis fin à cette vie qui n’attendait que de pouvoir être libre ?  Et comment vivre avec ce souvenir, cette culpabilité qui nous crie au fond de nous que peut être si on avait fait les choses différemment alors peut-être… Car pour vous aussi ce jour marque une rupture avec un destin brisé comme si depuis même nos souffles avaient été différents.

Je me suis rappelé vos mots alors « transmettre un flambeau », pour ne pas oublier Arié, Gabriel et Jonathan parce qu’on a l’espoir que vienne avec les générations nouvelles l’annonce d’une vie meilleure, parce qu’on ne peut pas concevoir que ça arrivera encore et à d’autres même si ça arrivera encore, et à d’autres.

Je me suis sentie porteuse d’une certaine responsabilité alors. Celle de ne pas oublier Arié, Gabriel et Jonathan, de les garder dans ma mémoire, de les fixer à travers mes mots. Car les mots, l’art, tant que ça vie dans les consciences, ça vie, ça touche du doigt la postérité.

Alors je penserai à eux, sans tristesse ni chagrin mais avec toute ma bienveillance. Peut-être que plus tard j’écrirais des livres, non, plus tard j’écrirai des livres. Je penserai à Gabriel et à Arié lorsque j’évoquerai le visage d’un enfant. Peut-être alors des gens liront mes mots et sans le savoir porteront un peu à leur manière leurs mémoires.

Car c’est seulement la seule chose que nous pouvons faire, poser des jolis mots pour faire honneur à ces vies, se transmettre l’espoir que ça n’arrivera plus et ne pas s’arrêter de croire en cette humanité. »

Agathe et Samuel

 

La galerie des objets, mars 2022

 

  • À partir de la troisième minute du reportage sur France-Info, on voit Samuel Sandler et une jeune lycéenne de 16 ans, Irène : « C’est au tour de Samuel Sandler d’évoquer son fils Jonathan et ses deux petits-fils, abattus à Toulouse (Haute-Garonne). Grâce aux jouets de ses petits-fils, le grand-père raconte à Irène, élève de Première, le chagrin, le manque. « Je vais raconter cette histoire pour que surtout pas elle ne s’oublie »,affirme la jeune fille. »

 

“À chaque fois que l’occasion m’est donnée de prononcer leurs noms, je le fais, pour les faire vivre.” Samuel Sandler, père et grand-père de victimes de la tuerie de l’école juive Ozar-Hatorah, à Toulouse.

La qualité des échanges ici, à Courbevoie, impressionne. Et notamment la rencontre entre Irène, adolescente de 16 ans, aux boucles brunes et à l’oeil malin, et Samuel Sandler, 76 ans, qui a vécu le plus grand drame. À Toulouse il y a dix ans, son fils, Jonathan, et ses deux petits-fils, Arié, 6 ans, et Gabriel, 3 ans, étaient assassinés froidement, devant l’école juive Ozar-Hatorah, par un terroriste dont il refuse de prononcer le nom. Samuel est venu avec une photo où l’on voit les deux enfants avec un avion en Lego. « C’est l’une des dernières photos des deux garçons en train de jouer, ils sont heureux. » Irène n’a pas emmené son objet avec elle, il s’agit d’une Kangoo : « La voiture des papas, elle met à l’aise, elle réconforte. Après les attentats de 2015, il y en avait une devant le lycée, en mode militaire. J’ai trouvé le rapprochement bizarre, et pas si rassurant que ça. »

 

Photo ©Cyril Zannetacci pour Télérama

L’adolescente demande à Samuel, timidement : « Vous me dites si vous ne voulez pas répondre, mais dix ans après, où en êtes-vous ? » L’homme prend une grande respiration. « Je réponds toujours : je vis. Bien ou mal, c’est secondaire. J’ai longtemps été dans le déni, je ne comprends d’ailleurs toujours pas ce qu’il s’est passé. Quand je te vois, je me dis qu’Arié aurait ton âge. Je les vois toujours comme des enfants. » La conversation, sensible et profonde, chemine entre les souvenirs heureux, les escapades au zoo de Thoiry avec les enfants, l’enfance de Samuel Sandler dans le resto universitaire casher de ses parents, qui accueillait le monde entier, toute religion confondue. Et l’antisémitisme. « Je suis né après la guerre, mais quand ma belle-fille m’a appelé à 8 heures, ce jour-là, à Toulouse, ma première réaction a été de me dire : “ça y est, ça recommence.” Et je crois que, malheureusement, je ne me suis pas trompé. Ça m’était arrivé de subir des réflexions antisémites, je n’en tenais pas trop compte, jusqu’à ce qu’on ait droit de mort sur mes enfants, au nom d’une religion. »

 

 

Merci

aux élèves du Collège du Bois d’Aulne de Conflans-Sainte-Honorine, des lycées Montesquieu d’Herblay, Lucie Aubrac de Courbevoie, Armand Carrel de Paris, Gourdou Leseurre de Saint-Maur-des-Fossés, et à leurs professeurs.

à notre partenaire, la Région Île-de-France

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