Projet de loi antiterroriste 2021

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Après que le Conseil Constitutionnel ait censuré l’an dernier une proposition de loi présentée par le parti LREM instaurant des mesures de sureté, le gouvernement élabore depuis peu un projet de loi antiterroriste qui envisage notamment la reprise des idées relatives aux mesures de sureté,  dans la lutte contre le terrorisme.

Le 28 avril 2021, le Premier ministre Jean Castex, entouré des ministres de l’Intérieur et de la Justice, a dévoilé les contours du projet de loi sur le renseignement et la lutte antiterroriste

Composé de 19 articles, ce projet de loi vise principalement à conférer « un caractère permanent » aux mesures expérimentées dans le cadre de la loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt) votée en octobre 2017 pour sortir de l’état d’urgence en vigueur après les attentats de 2015, avait expliqué le ministère de l’Intérieur à l’AFP.

Ce projet présente deux volets. Le premier consacré au terrorisme et le second dédié aux renseignements.

Les mesures de lutte contre le terrorisme

Plusieurs mesures sont prévues.

  • La fermeture des lieux de culte et de leurs annexes

Outre la fermeture administrative de lieux de culte accusés d’être liés à des faits de nature terroriste, le projet de loi prévoit la possibilité de fermer des locaux dépendants de ces établissements.

Pour le ministère de l’Intérieur, la finalité consiste à éviter que ces lieux soient utilisés par les associations gestionnaires du lieu de culte dans le but de faire échec à sa fermeture »

  • L’interdiction de rassemblement des personnes surveillées

L’interdiction, pour une personne sous surveillance et assignée dans un périmètre de résidence, d’être présente lors d’un évènement exposé par sa nature ou son ampleur à un risque terroriste particulier

  • Un contrôle renforcé des sorties des condamnés pour terrorisme

Environ 500 personnes purgent actuellement leur peine pour des faits de terrorismes. Si en 2020, 100 ont été libérés, 60 libérations sont prévues pour l’année 2021. Le projet de loi envisage pour lutter contre toute « sortie sèche », la mise en œuvre de deux mesures.

En premier lieu, est prévu, le passage d’un à deux ans des « mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance » (Micas), les ex-assignations à résidence créées par la loi sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (Silt) de 2017. Cette modification, octroie ainsi la possibilité d’allonger jusqu’à 2 ans cumulés les mesures de surveillance pour les sortants de détention condamnés à des peines d’emprisonnements lourdes pour des faits de terrorismes.

En second lieu, le projet de loi prévoit la création ad hoc, d’une mesure judicaire de prévention de récidive terroriste. Elle concernera des individus particulièrement dangereux, ayant déjà été condamnés à des peines d’emprisonnements lourdes pour des faits de terrorisme.

Cette nouvelle mesure pourra être prononcée par le TAP (Tribunal de l’application des peines). Sa durée d’un an maximum sera renouvelable dans la limite de 5 ans.

Cette mesure judiciaire doit remplacer les mesures de sureté voulues par la loi du 10 aout 2020 dite, Braun-Pivet, que le Conseil constitutionnel a censurées.

  • L’élargissement du recours aux visites domiciliaires abandonné

Les « visites domiciliaires », autrefois appelées « perquisitions administratives », permettent aux services de police, après autorisation d’un juge judiciaire, de pénétrer dans le logement d’une personne soupçonnée de présenter une menace terroriste.

Si à ce jour, la mise en œuvre de cette mesure est subordonnée à l’existence d’une menace d’une particulière gravité, selon les termes de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme d’octobre 2017. Le gouvernement actuel projetait, de modifier cette expression au profit de l’emploi de « menace graves ». Cette reformulation plus nuancée aurait participé à faciliter le recours à cette mesure.

Cependant, cette reformulation a été écartée après l’avis du Conseil d’État.

Les mesures relatives au renseignement

Face à l’évolution constante des nouvelles technologies de l’information et de la communication et de leur utilisation par les terroristes, le projet de loi envisage de réviser la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement.

Diverses mesures sont envisagées par le projet de loi.

  • L’interception de communication satellitaires

Les services de renseignement disposeront de nouveaux moyens de contrôle, en particulier la possibilité d’intercepter des communications satellitaires grâce à un dispositif de captation de proximité.

  • Pérennisation de la technique dite de l’algorithme

La technique dite de l’algorithme, expérimentée depuis 2015 et autorisée jusqu’au 31 décembre 2021, est pérennisée. Cette méthode consiste au traitement automatisé des données de connexion et de navigation sur Internet, grâce à la coopération des fournisseurs d’accès. Cette surveillance algorithmique est étendue aux adresses (URL) de connexion. Il s’agit selon le gouvernement de permettre une meilleure détection des profils à risque.

  • Réformation de la conservation des données de connexion

Suite à la décision du Conseil d’Etat en date du 21 avril 2021 dénommée « French Data Network » la conservation des données de connexion est repensée.

Des modalités de conservation spécifiques sont introduites pour les données relatives à l’identité civile, aux adresses IP et aux informations autres que l’identité fournies lors de la souscription d’un contrat.

En cas de menace grave sur la sécurité nationale, le Premier ministre pourra enjoindre aux opérateurs de conserver les données de connexion des utilisateurs, durant d’un an maximum.

Pour les besoins des autorités disposant d’un accès à ces données (autorité judiciaire, autorités administratives indépendantes ou non), un mécanisme de « conservation rapide » est mis en place.

Par ailleurs, en cas d’avis défavorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), préalablement à la mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignements, le Conseil d’État devra se prononcer, sauf urgence.

  • Facilitation des échanges de renseignements

Le texte fluidifie, tout en les encadrant, les échanges de renseignements et d’informations entre services de renseignement et avec les autorités administratives.

Il permet également des transmissions d’informations de l’autorité judiciaire aux services de renseignement ainsi qu’à l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) dans les affaires complexes de criminalité organisée et d’attaques informatiques.

  • Mesures complémentaires

Le projet de loi autorise le brouillage de drone. Cependant cette méthode n’est autorisée que pour prévenir les menaces lors de grands événements ou à l’occasion de certains convois ou en cas d’un survol d’une zone interdite.

L’ouverture des archives des renseignements est prévue. L’accès aux archives classées secret-défense après l’expiration d’un délai de 50 ans est généralisé. Néanmoins, certains documents sensibles ne pourront être accessibles au public qu’après leur ‘perte de valeur opérationnelle’.

Le contrôle du projet de loi par le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel dans la décision N°2021-822 DC du 30 juillet 2021 valide la création d’une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion applicables aux auteurs d’infractions terroristes.

Cependant, le Conseil constitutionnel censure l’article 4 paragraphe 1 insérant un nouvel aliéna aux articles L228-2 I et 228-4 et L228-5 du code de la sécurité intérieur destiné à permettre l’allongement jusqu’à 24 mois des différents MICAS. Le Conseil considère par cette censure que le législateur n’a pas su concilier l’objectif de prévention de l’atteinte à l’Ordre public avec la liberté d’aller et venir, le respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale.

Enfin concernant la communicabilité des archives, le Conseil constitutionnel a émis deux réserves d’interprétation.

D’une part ces dispositions ne s’appliquent pas aux documents dont la communication n’a pas pour effet la révélation d’une information non connue du public.

D’autre part s’agissant du report du terme de la période de communication, jusqu’à la survenue d’un événement déterminé, des documents tenant à la fin de l’affectation de certaines installations civiles et militaires, le Conseil juge que les dispositions contestées ne sauraient faire obstacle à cette communication lorsque la fin de l’affectation de ces installations est révélée par d’autres actes de l’autorité administrative ou par une constatation matérielle

L’entrée en vigueur du projet

Le projet de loi est entré en vigueur le 31 juillet 2021.

Sources

Projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, Vie publique.fr, consulté le 27 juillet 2021 : https://www.vie-publique.fr/loi/279661-loi-antiterrorisme-et-renseignement-2021

Prévention d’actes de terrorisme et renseignement, Sénat.fr, consulté le 27 juillet 2021 : http://www.senat.fr/espace_presse/actualites/202106/prevention_dactes_de_terrorisme_et_renseignement.html

Projet de loi  relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement session extraordinaire du 22 juillet 2021, Assemblée nationale.fr, consulté le 27 juillet 2021 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15t0653_texte-adopte-provisoire.pdf

Visites domiciliaires, fermetures de lieux de culte, recours aux algorithmes… Que prévoit le projet de loi antiterroriste ?, France info avec AFP, France info.fr, Publié le 26/04/2021 08:45 Mis à jour le 28/04/2021, consulté le  27 juillet 2021 : https://www.francetvinfo.fr/monde/terrorisme-djihadistes/visites-domiciliaires-fermetures-de-lieux-de-culte-recours-aux-algorithmes-ce-que-contient-le-projet-de-loi-antiterroriste-presente-mercredi_4386751.html

Algorithme de surveillance, visites domiciliaires… que contient le projet de loi antiterroriste?, la rédaction de LCI, avec AFP , LCI.fr, Publié le 28 avril 2021 à 7h08, mis à jour le 1 juin 2021 . Consulté le 27 juillet 2021 : https://www.lci.fr/politique/terrorisme-algorithme-de-surveillance-visites-domiciliaires-que-contient-le-projet-de-loi-antiterroriste-darmanin-rambouillet-2184460.html

Décision DC n°2021-822 DC du 30 juillet 2021 : https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2021-822-dc-du-30-juillet-2021-communique-de-presse

 

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