Partenariat éducatif avec l’Association marocaine des Victimes du Terrorisme

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Rencontre au lycée Al Mouwahidim de Marrakech avec Christiane Lombard et Soad ElKhammal

Vendredi 17 avril 2018

 

Chaque année, il est très émouvant de voir ensemble Soad Elkhammal, présidente de  l’AMVT, qui a perdu son mari et son fils dans les attentats du 16 mai 2003 de Casablanca,  et Christiane Lombard, administratrice de l’AfVT, qui a perdu sa fille et son gendre dans l’attentat du Café Argana de Marrakech du 28 avril 2011, aller à la rencontre de lycéens marocains pour porter un même message : un message de paix et de tolérance.

 

Les élèves d’abord

Les deux classes sont des Terminales littéraire et scientifique qui ont préparé la rencontre en Français, avec leurs deux professeurs, Amal Mbâbad et Abd Wamahiya. Les lycéens nous présentent tout d’abord un exposé sur le terrorisme : Sana propose une définition du phénomène et évoque « des groupes qui se réclament de l’Islam, en Syrie, en Iraq mais aussi au Maroc » ; Myriam tente de cerner des causes : la pauvreté, le chômage et l’ignorance ; Iba propose des moyens de lutte contre le terrorisme et Imane conclut sur « les devoirs du bon citoyen » et explique ce que sont « les obligations de nature morale » : il s’agit d’accepter l’autre tel qu’il est.

Christiane Lombard réagit : « Croyez-vous vraiment que la pauvreté soit une des causes du terrorisme ? Je crois pour ma part que la pauvreté est manipulée par le terrorisme ».

 

Trois colonnes pour un tableau : éducation, valeurs, violences

Sur un tableau noir Soad Elkhammal trace trois colonnes que nous lirons selon l’écriture arabe de droite à gauche et, avec Néjia Denial Bouchto, elles sollicitent les lycéens pour le remplir.

Première colonne : Qui nous dispense l’éducation ? La famille, l’école, les amis, l’entourage, la vie, l’expérience, la mosquée, les médias.

Soad demande : les amis participent-ils à notre éducation ? Les lycéens répondent : oui, s’ils nous entrainent dans une bonne voie ; sinon, c’est le contraire.

Deuxième colonne : Quelles sont les valeurs que nous partageons tous ? Dans l’ordre, les lycéens répondent : le respect, la tolérance, la fidélité, la confiance, l’amour, la solidarité, la patience, le pardon, la dignité, la liberté, la paix, l’égalité, …

Néjia et Soad font remarquer que nous avons été éduqués dans ces valeurs et demandent : pourquoi les avez-vous intégrées alors que d’autres ne les respectent pas ?

Les lycéens de ce lycée de Marrakech sont attristés que certains attribuent le terrorisme à l’Islam. Et Soad répond en Français que si bien entendu presque toutes les mosquées délivrent des prêches et leçons qui participent à l’éducation des valeurs de tolérance, il en existe néanmoins d’autres qui jouent un double jeu et se servent de la pauvreté et de l’ignorance pour entraîner les jeunes vers la négativité. Le sujet de la radicalisation est abordé, et Soad précise immédiatement : ce n’est pas la religion qui est radicale mais c’est l’homme qui se radicalise.

L’Islam est fondamentalement une religion de paix et de coexistence, et cela signifie accepter l’autre tel qu’il est, dans ses différences de langue, de culture et de religion. Néjia conforte ces propos avec la récitation du verset 13 de la sourate 49 du Coran : « Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. »

Allez-vous accepter un nouvel élève chrétien ou athée venant du Sénégal ? Oui, répondent les lycéens, jusqu’à ce que l’un d’entre eux précise : « Soyons honnêtes, cela ne nous sera pas immédiatement naturel ».

Christiane utilise l’image de Babel et des langues et cultures qui constituent la diversité du monde et dit que chacun d’entre nous peut, au contact de l’autre, devenir une petite tour de Babel. Puis elle insiste sur l’amitié : « à votre âge, c’est l’amitié qui vous construit. Soyez attentifs les uns aux autres ! »

Pour ma part, j’interviens pour leur raconter que j’ai fait dans ma vie l’expérience de l’étrangeté : j’ai vécu deux ans au Japon, et lorsque j’y suis arrivée je ne savais ni lire, ni écrire, ni même parler ; mes cheveux et mes yeux n’étaient pas de la même couleur que ceux des Japonais et des enfants m’appelaient « l’étrangère », certaines personnes au contraire voulaient me toucher, et j’ai du tout apprendre, absolument tout ! et demeurer souvent maladroite au cœur d’un pays que j’apprenais à connaître. Ce fut pourtant constructif : j’ai éprouvé réellement mon ignorance et re-faity l’expérience d’un patient apprentissage.

Troisième colonne : Quand on perd toutes les valeurs que nous avons écrites dans la deuxième colonne, que se passe-t-il ?

On aboutit à la violence : violence physique, verbales, morale, politique, criminelle, violence d’Etat, violence à l’école.

Et vice-versa, si on garde toutes ces valeurs, intervient un lycéen, on ne peut pas être violent.

Malika Djebli évoque « la violence numérique » qui a conduit à la radicalisation de certains jeunes gens puis à leur départ en Syrie, et Soad souligne de deux traits rouges, dans la troisième colonne consacrée aux violences, le mot « radicalisation ». 

Soad, Néjia, Malika insistent : la radicalisation est une spirale qui sépare le jeune de sa famille. Par exemple, il lui est interdit d’embrasser sa propre mère, de partager un repas avec elle.

La violence terroriste ne produit rien : elle ne change pas le monde mais détruit des familles ordinaires, les familles des victimes.

 

Conclusion de la démonstration magistrale de l’AMVT

Ils n’ont pas réussi à semer la discorde. Tous les ans, Christiane est à Marrakech pour la commémoration de l’attentat du Café Argana qui a fait dix-sept morts, dont sa fille et son gendre. Ce vendredi 27 avril, veille du septième anniversaire de ce triste attentat, Christiane est là devant les lycéens de Marrakech, et comme tous les ans elle affirme : « je n’ai pas de haine, je n’ai jamais eu de haine ». Elle confie même qu’elle a assisté au procès des assassins, qu’elle était donc face à eux au tribunal et conclut que pour elle désormais « il n’y a pas de place pour la haine ».

Voici quelques mots que nous adresse Christiane Lombard : « Les échanges avec les jeunes du Lycée Al Mouwahidin et leurs professeurs ont été riches et émouvants.

Les sujets abordés portent particulièrement sur les valeurs humanistes et les causes de l’incompréhension entre les cultures.

En arabe et en français nous avons évoqué le rôle des acteurs de l’éducation, les valeurs humanistes, les différentes sortes de violences ressenties dans la société.

La parole et les échanges sont largement repris par les élèves – malgré quelques réticences lorsque les problèmes soulevés par les dérives de la religion islamique sont évoqués. Ces instants sont bénéfiques pour tous, particulièrement lorsque sont mis en avant les traumatismes subis par les familles de victimes.

Soad El Khamal fait un travail continuel et remarquable avec les établissements dans tout le Maroc et nous continuerons dans l’avenir. »

 

Merci !

Aux élèves des Terminales littéraire et scientifique,

A Amal Mbâbad et Abd Wamahiya qui ont préparé la rencontre en Français,

Au Proviseur du lycée lycée Al Mouwahidim de Marrakech

A Malika Djebli, responsable de l’organisation pour l’Académie Régionale de Marrakech, et membre de l’AMVT

A l’énergique Néjia Denial Bouchto de l’AMVT

Lire l’article sur l’intervention de Soad Elkhammal et Alian Couanon au lycée Lucie Aubrac de Courbevoie

 

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